Il en est des régimes juridiques comme des personnes et des civilisations, ils vieillissent et s’altèrent avec le temps, et il alors devient nécessaire d’analyser ce qui reste derrière l’image.

Le contrat d’assurance-vie est assurément l’un des placements français les plus anciens. Ses origines sont lointaines, on pourrait remonter jusqu’à l’apparition des clauses de tontines en France, même si cela ne constitue que les prémices des contrats d’assurance qui ne seront consacrés qu’en 1787 avec la création de la « Compagnie royale d’assurance-vie », avant que ce type d’opérations ne soit interdit durant la révolution, puis réautorisé par le Conseil d’Etat dans un arrêt de 1818.

L’intérêt fiscal de ces placements n’a en réalité été optimum qu’antérieurement à 1998. En effet pour tous les contrats ouverts avant le 20 novembre 1991 et ayant donné lieu à versements avant le 13 octobre 1998, les reversements aux bénéficiaires étaient totalement exonérés de droits de succession quel que soit l’âge de l’assuré à l’époque des versements. Alors que pour les versements effectués après cette date, l’exonération de la perception était limitée à hauteur de 152.500 € par bénéficiaire, après quoi une imposition forfaitaire de 20 % s’appliquait jusqu’à 700.000 €, puis imposition de 32.500 € au-delà. Ce régime fiscal permettait avant 1998 une exonération totale des droits de successions. Bien qu’après 1998 le placement donnait désormais lieu à imposition, celle-ci ne s’appliquait qu’au-delà d’une somme de 152.000 €, ce qui est présentait encore un intérêt indéniable.

Outre cette fiscalité intéressante, le contrat d’assurance-vie pouvait parfaitement désigner comme bénéficiaire des tiers non-héritiers, ce qui a été confirmé par un récent arrêt de la cour de cassation en date du 6 novembre 2019 (n° 18-16.153). Comme cela était le cas en l’espèce, où le défunt avait notamment désigné les enfants de sa nouvelle partenaire de PACS, qui était décédé, comme bénéficiaires du contrat d’assurance-vie (pas besoin d’aller aux Etats-Unis comme certains chanteurs ou musiciens pour aménager sa succession).

Le seul fait d’évoquer ces deux points (fiscal et juridique) démontre à quel point le contrat d’assurance-vie constituait un placement intéressant pour les familles, avec une fiscalité plus que favorable et la possibilité d’en faire bénéficier les personnes de son choix en s’affranchissant quelque peu du droit des successions.

Toutefois les évolutions récentes amènent à s’interroger sur l’avenir du contrat d’assurance-vie et notamment le fait que celui-ci s’avère désormais bien moins intéressant que ce qu’il a pu être par le passé, du fait des attaques juridiques, financières et fiscales dont il fait l’objet.

Attaques juridiques sur le régime de l’assurance-vie :

L’une des premières réformes ayant eu un impact non négligeable en termes d’atteinte à la sécurité des épargnants est celle de la loi du 6 janvier 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière qui permet désormais à l’Etat de recourir à l’avis à tiers détenteur afin de saisir les contrats d’assurance-vie rachetables. Cette première évolution était le premier signe d’une possible ouverture plus large à la saisie des contrats d’assurance-vie, et comme toujours l’atteinte aux libertés individuelles de chacun a été initiée par une motivation de lutte contre la grande délinquance (technique de l’entrebâillement de la porte).

La porte entre-ouverte, il a ensuite été possible de poursuivre l’atteinte au régime juridique de l’assurance-vie. La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement a en son article 83, codifié à l’article L.132-8 du Code de l’action sociale et des familles, permettant à l’Etat ou aux départements de pouvoir récupérer les aides sociales via un recours exercé contre le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie souscrite par un assuré ayant bénéficié de l’assurance sociale, à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de 70 ans. Cette disposition à également permis une nouvelle fois à la collectivité d’agir directement sur les fonds d’un contrat d’assurance-vie et ce afin cette fois de récupérer des aides sociales dont aurait bénéficié le souscripteur du contrat.

Une autre réforme ayant créé un risque de portée indéniable vis-à-vis du contrat d’assurance-vie résulte de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, en son article 49, codifié à l’article L.631-2-1 du Code Monétaire et Financier qui permet au Haut Conseil de stabilité financière d’interdire pendant 3 mois le remboursement des personnes ayant souscrit à des contrats d’assurance-vie en euros, en cas de crise. Sachant que ces trois mois sont renouvelables. C’est donc une atteinte forte qui est portée à l’intérêt de ces contrats, car les souscripteurs prennent alors le risque, en cas de crise, de ne pas pouvoir récupérer le montant qu’ils avaient versé sur leur contrat d’assurance-vie. Le but étant que les établissements puissent alors se servir de ces fonds qui restent disponible pour pouvoir maintenir leur stabilité financière. Il convient toutefois de bien repréciser que cela ne concerne (pour l’instant) que les contrats d’assurance-vie « rachetables », les contrats d’assurance-vie « prévoyance » n’étant pas concernés par cette mesure.

Par cette mesure légale forte, pour la première fois, l’Etat s’est arrogé le droit d’intervenir directement sur les contrats d’assurance-vie pour un motif sans lien avec le souscripteur, et quand on se rappelle que l’Etat est objectivement en faillite, on se doute que cette mesure n’a pas été instaurée par mesure de style, mais bien en amont de difficultés macro-économiques attendues.

Attaques financières sur le régime de l’assurance-vie :

Actuellement les banques se retrouvent contraintes de placer de l’argent à des taux parfois négatifs pour pouvoir faire face aux sanctions imposées par la Banque Centrale Européenne en cas de liquidités excédentaires qui resteraient à la banque centrale. Cela réduit les marges des banques, d’autant plus que la Banque Centrale Européenne incite à ce que les banques procèdent à de nombreux prêts mais avec des taux d’intérêt de plus en plus bas. Ces deux politiques font que les marges des banques sont en chute (libre) et cela ne sera évidemment pas sans conséquence sur les contrats d’assurancevie. Car le contrat d’assurance-vie permettant d’avoir des liquidités permanentes et une protection du capital pourra difficilement suivre ces évolutions.

Or avec les placements à taux négatifs des banques, celles-ci devront trouver les moyens de financer ces contrats. Il faudra donc soit avoir recours à des produits peu risqués mais faiblement rémunérés, soit rechercher une meilleure rentabilité mais avec des investissements plus risqués, et donc par conséquent plus risqué pour le capital. Ces difficultés impliquent que la rentabilité plutôt faible des banques aura nécessairement un impact sur les taux de rémunération contrats d’assurance-vie.

Attaques fiscales sur le régime de l’assurance-vie :

Enfin, ayant ouvert notre sujet avec l’aspect fiscal de ce régime, il serait intéressant d’évoquer la fiscalité actuelle de ce type de placements. Nous n’évoquerons pas la particularité des contrats souscrits entre le 20 novembre 1991 et le 13 octobre 1998, pour nous intéresser directement à la fiscalité des contrats ouverts depuis cette date.

L’exonération complète des droits de succession est totalement supprimée. Dans sa recherche de financement d’un Budget structurellement bénéficiaire, l’Etat n’a pas résisté à s’attaquer à cette manne que constituait l’assurance-vie.

Désormais pour tous les versements effectués avant les 70 ans, l’exonération des droits de succession ne se fait qu’à concurrence de 152.500 € par bénéficiaire, puis les 700.000 € suivants sont imposés à 20 %, et au-delà l’imposition s’élève à 31,25 %. S’agissant des versements effectués après les 70 ans, l’exonération ne s’élève plus qu’à 30.500 €, et le taux de taxation dépendra alors du degré de parenté entre le bénéficiaire et l’assuré. La fiscalité se trouve donc être beaucoup moins avantageuse que ce qu’elle était pour les contrats ouverts avant le 20 novembre 1991.

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En conclusion, le contrat d’assurance-vie a été mis au régime. Alors que celui-ci était initialement un placement sécurisé, insaisissable et à faible fiscalité, celui-ci se retrouve avec de nombreuses atteintes à ces qualités, les évolutions législatives n’étant pas faites en faveur de ce contrat. Il convient donc pour les épargnants de s’interroger sur l’opportunité d’investir en de tels contrats à l’avenir.

Lassurance-vie a bel et bien perdu de sa fière assurance, la poule aux œufs d’or mise de force au régime ne semble plus désormais pondre qu’en plaqué or